A l’autre bout [BLOG]

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 28 décembre 2019 à 10h58

Je n’avais pas la tête à ça. D’ailleurs, je n’avais la tête à rien du tout. Ce que je voulais par-dessus tout était d’oublier mes galères et mon chagrin. Et je ne pouvais pas me noyer dans l’alcool. Alors, il fallait trouver autre chose. Quoi de mieux qu’une soirée de divertissement pour Noël ?  Et ce fut un délice. De bonnes prestations, de beaux chants me rendant nostalgique. Oui, un pur délice jusqu’à ce que…

Jusqu’à ce que mon regard croise, à l’autre bout de la salle,  les plus beaux yeux que j’aie jamais vus. Je pourrais difficilement décrire son visage puisqu’il était partiellement caché derrière une rampe. De toute façon, ce n’était pas important. Son regard me suffisait, me comblait. J’aimais ses grands yeux clairs posés sur moi. Un seul coup d’œil qui me rendait à la fois timide, coquine, innocente et femme fatale… Et pour comble de mon malheur, il y ajouta un sourire qui finit par me faire fondre.

Contrairement à moi qui ne pouvais pas le voir en entier, lui pouvait m’admirer à loisir. Et il ne se gênait pas pour le faire. Sans me rendre mal à l’aise pourtant, ses yeux parcouraient mon corps : mes lèvres, mon cou, mes seins, tout était l’objet d’un examen minutieux de son regard. Et je vis que cela lui plut. Son air béat d’admiration le prouvait. Mais cela m’importait peu que je lui plaise, tout ce que je voulais, c’était avoir encore la possibilité de me perdre dans ses yeux encore une minute, rien qu’une seule encore.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée là hypnotisée, perdue dans cet univers inconnu dans lequel pourtant j’ai si bien trouvé si bien. Et puis, tout me fut arraché. Quelques passants se bousculèrent et m’arrachèrent brusquement à ce monde nouveau dans lequel je me plaisais tant.

La soirée perdit son éclat. Les morceaux étaient plus beaux que les précédents, je le reconnus mais cela m’était complètement égal. Tout ce que je voulais, c’était de retrouver mes grands yeux clairs. Ses yeux qui me rendirent femme sans qu’il n’y ait de contact physique. Ce qu’il m’avait offert valait bien plus que des caresses ou des baisers. C’était bien plus intense qu’un corps-à-corps. Deux yeux soudés aux miens mettaient carrément le feu à mon corps et à mon esprit et j’en voulais encore et encore. Rien qu’une fois encore, juste pour quelques secondes. Et cela me fut accordé, les passants s’en allèrent. Et je le retrouvai à la même place, au même endroit comme s’il m’attendait tout comme je l’attendais.

Et ce fut encore la pagaille. « Pas question de le perdre » me suis-je dit. Je m’apprêtais à me lever pour me diriger vers l’endroit où il se trouvait quand je me suis dit que le retrouver gâcherait la beauté de ce que je venais de vivre. Quelques minutes de plus enlèveraient la magie de ce moment que jamais plus je ne pourrais partager. Je ne voulais pas prendre ce risque. Je ne voulais pas perdre ce souvenir tant précieux, je ne souhaitais pas le salir. Alors, je restais tranquillement assise en me remémorant ces grands yeux clairs, qui, pour un instant, me firent voir le paradis. A l’autre bout d’une salle, dans les yeux d’un inconnu, je connus l’un des meilleurs moments de ma vie.

VD

À propos Vanessa Dalzon

Vanessa Dalzon est Rédactrice en chef à Balistrad, diplômée en Droit à l'Université Quisqueya (UniQ). Elle est l'auteure du roman « Opération-Rupture », chronique publiée dans Balistrad pendant 22 semaines. Vanessa Dalzon partage son temps en dehors du bureau entre l’écriture, la lecture, le chant et les séries télé.
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