Ayiti peut encore changer la donne dans le monde

Temps de lecture : 4 minutes

Dernière mise à jour : 17 février 2019 à 8h03

Les évènements historiques déroulés dans le monde après la révolution ayitienne de novembre 1803, ont montré que la première république noire du monde détient un pouvoir orientateur. En effet, notre révolution qui a servi de leçon, a changé le cours des évènements dans le monde.

L’humanité toute entière avait pris bonne note du message lancé par notre geste sans précédent. Le système mondial d’alors, instauré par les nations dites civilisées, allait être chambardé. Malheureusement, Ayiti devait payer les conséquences de son acte insolent. Certes, les choses ont évolué au cours du temps, mais le monde semble resté le même. Dans les rapports interétatiques, il n’y a eu qu’un changement paradigmatique. En remplacement d’un système d’exploitation humiliante, le monde a vu naître un autre, beaucoup plus modéré, mais très efficace, conservant la même vision.

Quelques nations du monde, dénommées pays impérialistes et séparées en deux grands blocs, imposent à tous les niveaux, leur volonté sur le reste de la planète. Contrairement à la période de la Guerre Froide, ces États peuvent être dénommés : bloc impérialiste de droite (selon la conception mondiale) et bloc impérialiste de gauche (selon les méthodes utilisées pour rivaliser celle qualifiée de droite). Les principaux représentants de la droite -lequel bloc nous intéresse – sont les Etats Unis d’Amérique (USA), la France et le Canada. Généralement, ils s’immiscent dans les affaires internes d’autres Etats aux noms du « respect de la dignité humaine et d’un quelconque devoir de protéger » et représentent par conséquent, la communauté internationale. Quelle dignité humaine ? Et quelle communauté?

La crise actuelle du Venezuela se révèle cruciale dans la compréhension du jeu des puissances mondiales. Après que cette communauté internationale, les USA en chef de file, ait critiqué l’élection du président vénézuélien, Nicolas Maduro, elle a remis en question la légitimité de ce dernier en orchestrant un ensemble d’actions visant la chute de son régime. La plus marquante est la reconnaissance de Juan Gerardo Guaidó Márquez (Président de l’assemblée générale du Venezuela) comme président par intérim dudit pays, après son auto-proclamation.

Cette décision, pour certains analystes internationaux , vise à compléter non seulement la liste grandissante des pays(l’Irak, la Syrie, la Turquie…)dont les tissus sociaux ont été déchirés par l’action des Etats-Unis et ses pairs mais dévoile du même coup le désir d’imposer une soit-disant démocratie comme système politique mondial. Pourtant, l’Arabie Saoudite, l’un des fieffés alliés des USA est le canard en matière de droits de l’homme et de démocratie.

Contraints, pour la plupart par ces géants, plusieurs États exploités et/ou opprimés – parmi lesquels figurent Ayiti -, ont abondé dans le même sens.
Ainsi, le choix du président Jovenel de tourner le dos à son homologue vénézuélien, Nicolas Maduro étant contraire à notre idéal historique, à savoir : le droit à l’autodétermination des peuples, a été visiblement mal digéré par le peuple ayitien, dans sa grande majorité tout au moins. Cela, ajouté à la détérioration des conditions de vie de la population Ayitienne, a confirmé son illégitimité.

Comme tous les ans depuis 1986, cette année le 7 février , n’était pas exempt d’activités de mobilisation . Les opposants au pouvoir et les Pétro challengers (un regroupement de jeunes réclamant des comptes sur la gestion du fonds PetroCaribe alloué à la République d’Haïti par le Vénézuéla) en ont profité pour réitérer leurs revendications dont les principales sont la reddition des comptes et le départ de l’actuel président que certains disent dépassé par les évènements. Partout sur le territoire, le mot d’ordre semble être respecté. Les coordonateurs du mouvement pourraient se réjouir d’un résultat probant terni tout de même par de nombreuses pertes en vies humaines. L’opposition gagne quotidiennement en légitimité, car une majorité représentative de la population lui emboîte progressivement le pas. Parallèlement, les jours du président Jovenel Moise semblent plus que jamais comptés.

Alors que des décès dus à diverses raisons s’enregistrent aux quatre coins du pays et que la population vit au paroxysme de la misère, le président peut continuer de compter sur l’appui de cette communauté internationale prétextant son action dans le monde au nom des « droits de l’homme » et pour le Vénézuela au nom de« la dignité du peuple vénézuélien » sombré dans la misère. Quel antagonisme !

Plus d’une semaine s’est écoulée après celle du 7 février. La tension continue d’augmenter. Cette fin de semaine est particulièrement très attendue. L’un des leaders de l’opposition, M. Moise Jean Charles, avait annoncé samedi dernier qu’au cas où le président refuserait de présenter sa démission à la nation, d’ici lundi, son groupe pourrait suivre le schéma de Juan Guaido. Quels seraient alors les enjeux potentiels d’un tel acte ?

Si on parvenait à cette extrémité, il est évident que sur le plan national la crise s’amplifierait. Aussi, cet acte aura des répercussions à l’échelle planétaire tenant compte du contexte actuel des relations internationales liées et fragilisées par la crise vénézuélienne qui préoccupe déjà divers acteurs. Il pourrait sans nul doute aggraver les tensions qui s’y dessinent déjà. Des tensions qui sont en train d’actionner, selon certains internationalistes, non seulement l’écroulement des Etats Unis et de son bloc mais donnent aussi l’occasion d’observer le jeu des puissances en présence dansant simultanément au loup d’une part et à l’agneau d’autre part et vice-versa.

Inéluctablement, les débats seraient alors, plus que jamais, axés sur la bonne foi des impérialistes, principalement ceux de droite, étant les principaux acteurs de la communauté internationale sur le sol ayitien (référence : la position du Core Group). Le résultat serait le démaquillage du système politique impérialiste. En outre, considérant que les effets seraient pervertis, cet acte accélérerait certainement les mouvements pour l’autodétermination enclenchés partout sur la planète, notamment en Afrique.

Tout compte fait, par une telle action qui boosterait le processus de la multi-polarisation en branle depuis quelques années, Ayiti pourrait à nouveau provoquer un changement de la donne. Aussi, attendons-nous encore à en subir les énormes conséquences, comme nous continuons à payer aujourd’hui le prix de la « hardiesse » de nos ancêtres.

Dawoodson RAVIN,
Étudiant en Relations Internationales à l’INAGHEI.

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