Clausel Midy à son midi littéraire

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 31 octobre 2018 à 10h12

En 1928, le Docteur Jean Price Mars publia « Ainsi parla l’oncle » dans une circonstance assez spéciale, l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934). Dans ce livre qui n’allait pas tarder à devenir le manifeste et le pilier du mouvement indigéniste (1915-1960), il attribue la cause de cette irruption à notre bovarysme collectif ou le refus d’être nous-mêmes. Disait-il: « Nous singeons les autres, nous refusons d’être nous-mêmes -. Nous devons affirmer sans fausse honte notre personnalité ethnique, nos traits distinctifs, nos tendances particulières.»

Et pour y arriver, affirme Price Mars, la manière la plus sûre est de revaloriser notre folklore.

C’est ce que fait, près d’un siècle plus tard, le Docteur Clausel Midy à travers son livre « Contes inédits et Histoires troublantes » qui suit sans trébucher les traces des indigénistes.

Clausel Midy a le goût des récits légendaires, des histoires poignantes qui s’écartent de la réalité pour mieux la saisir. Si ses livres sont souvent des fresques où se mêlent passions, douleurs, vérités et mystères, ce dernier montre un écrivain conscient de son choix et de sa portée.

« Contes inédits et Histoires troublantes » nous plonge dans un monde fabuleux où les hommes sont voués à leur sort de misère, ou plutôt sont pris dans le piège de leur propre dégradation.

Les personnages de Midy sont tantôt des agents de décadence qui n’ont aucun respect pour leur environnement et pour leur vie, des anti-héros, comme ceux d’Édris Saint-Amand;  et tantôt des héros qui luttent pour sauver leur monde, pour changer le cours des évènements comme ceux de Jacques Roumain.

Que ce soit dans « Le vent et le garçon »,  « Paradis perdu », « L’île interdite » Midy met l’humain face à ses actes, face à son destin, face à ses agissements. Il ne donne pas de conseils, il fournit au lecteur un miroir magique tissé de songes, de mots plutôt souples, à travers lequel il peut s’étudier et redéfinir les conditions de sa vie.

Voulait-il, par ces contes, perpétuer une tradition chère aux haïtiens et plus loin à nos ancêtres africains ?

Clausel est de ces rares écrivains qui écrivent comme ils parlent et qui parlent comme ils écrivent. C’est un chantre, un troubadour, un griot émérite. Pour lui, la littérature n’est pas une occupation de pédants mais un moyen de traduire les aspirations, les déceptions et les passions des gens. C’est un moyen de rompre un silence collectif sur des faits cruciaux, de transformer les hommes, d’élaborer un projet de société.

Et en ce sens, il a peut-être une affinité avec Césaire qui voit dans le mouvement de la négritude jadis un moyen de bâtir une nation, de fédérer un peuple toujours en abordant dans ses récits le thème du héros noir.

L’idéal de l’écrivain est clair dans  « Pour que vive la terre » : « Il leur dira aussi de conjuguer leurs efforts pour capter les sources, canaliser l’eau, et arroser les plantations. En un mot, il leur faudra donner leur vie pour que la contrée reprenne vie, car c’est dans cette terre que réside la vraie fortune […] Ainsi, les enfants de cette contrée, comblés et sans souci pour leurs lendemains, ne trouveront plus nécessaire d’aller à la recherche de la fortune dans les bas-fonds des villes, ni de courir l’aventure en mer au risque de perdre la vie […]»

Un passage combien évocateur à un moment où Haïti fait face à un problème migratoire critique, où le pays s’identifie scandaleusement comme le plus grand exportateur de bras de la Caraïbe.

Et qui osera dire que Clausel Midy n’est pas à son midi littéraire avec cette oeuvre suggestive, qui devrait mériter, sans ce conflit clanique et cette politique ridicule dans la littérature haïtienne, une attention spéciale des acteurs impliqués dans la vulgarisation du livre dans les milieux scolaires ?

© Elbeau Carlynx

 

À propos Elbeau Carlynx

Elbeau Carlynx est né au Cap-Haïtien le 07 mars 1994. Il a fait des études en Histoire. Mention spéciale prix international chansons sans frontières en 2018. Prix international Centre-Troyes UNESCO en 2017. Prix international Léopold Sedar Senghor 2016. Mention spéciale prix International Poésie en liberté en 2015. Prix international poésie en liberté en 2012.
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