Orchestre du Collège Catts Pressoir : la musique pour éduquer autrement

Temps de lecture : 4 minutes

Dernière mise à jour : 15 janvier 2019 à 10h32

On ne présente plus le Collège Catts Pressoir. Désormais, c’est une école qui jouit d’une renommée internationale grâce à ses performances académiques et les prix qu’il rafle souvent à l’étranger. Si depuis les vingt dernières années, ce sont ses résultats au niveau scientifique qui attiraient les projecteurs sur lui, ces temps-ci, la réputation de l’orchestre de l’école fait aussi parler d’elle. Plus qu’un orchestre, c’est un département de musique bien organisé qui transforme ces jeunes de moins de dix-huit ans en de grands musiciens. Il a alors été question d’une rencontre avec les différents acteurs de cette machine parfaitement huilée qui ne cesse d’émerveiller et d’attirer l’attention.

On est samedi. 11h30, je rentre au Collège Catts Pressoir. Une fois passée la première barrière de l’école, des notes de musique de toutes sortes me parviennent. Ici, les instruments à vent avec des enfants entre 10 et 12 ans, là, un morceau exécuté parfaitement au piano. Attirée par le son, je me dirige vers la salle et je découvre que le pianiste n’est autre qu’un petit garçon de sept (7) ans qui joue sa partition sans sourciller. Forcément, je suis intriguée et curieuse. Cette ambiance musicale me laisse perplexe. Cela en a-t-il toujours été ainsi? Comment cela a-t-il commencé ? Ce sont, entre autres, les questions que Monsieur Guy Etienne, directeur de l’école, prit plaisir à répondre.

Les débuts

« On a intégré la musique depuis plus d’une vingtaine d’années à l’école mais on n’arrivait pas à avoir les résultats escomptés. Finalement, depuis les cinq dernières années, on a eu un département musical extraordinaire qui fonctionnait et donnait de bons résultats»
L’une des formules qui a permis l’éclosion de ces talents, c’est la création de la fanfare. « Avec la fanfare, les enfants n’apprenaient plus et laissaient les instruments à l’école mais ils avaient désormais les performances qu’il fallait préparer ce qui donnait une autre dimension aux cours », ajoute-t-il. Aujourd’hui, plus de deux cents (200) jeunes entre 6 et 18 ans pratiquent un instrument au Collège Catts Pressoir.

L’explosion

Aux premières prestations de la fanfare, celle-ci n’exécutait que l’hymne national, l’hymne du collège et « Fière Haïti ». Progressivement, les élèves qui étaient alors en cinquième et sixième année prennent confiance et le maestro leur soumet d’autres partitions, d’autres morceaux. Ils s’améliorent, maîtrisent leurs instruments et aussi partent à la découverte d’autres rythmes et d’autres styles de musique. De la musique classique, ils passent ensuite au jazz. Et c’est ainsi que parallèlement à la fanfare, un groupe de jazz est créé avec certains musiciens issus de la dite fanfare.

La reconnaissance

Avant, les prestations des musiciens du Collège Catts Pressoir se limitaient aux activités de l’école. Ils performaient alors, lors des récitals qui se faisaient à la fin de chaque trimestre puis aux expositions scientifiques de chaque fin d’année. Pour les 60 ans de l’école en 2015, la direction du Collège avait décidé d’organiser un grand concert avec l’orchestre de l’école mettant en vedette les jeunes musiciens. Les enfants ayant émerveillé l’assistance, les invitations n’ont pas cessé de pleuvoir depuis. A deux reprises, l’ambassadeur américain les a invités à jouer chez lui. En 2017 et 2018, le groupe Jazz a été invité à jouer à l’ambassade de France à l’occasion de la fête de la France le 14 juillet. Etonnée de voir des jeunes ayant ce niveau musical, l’ambassadrice, Madame Elisabeth Beton Delègue, eut à dire: « Dorénavant, il n’y pas de célébration du 14 juillet sans le groupe Jazz du Collège Catts Pressoir ».
Le groupe Jazz a également participé au Festival de Jazz International en 2017 et 2018. Cette année, il a été aussi l’invité d’honneur du Rotary Club de Delmas. Ils ont aussi participé à un camp d’été cette année au cours duquel ils ont joué pour les enfants défavorisés. Et déjà pour le début de l’année, diverses invitations ont été adressées pour le groupe jazz ou encore pour la fanfare.

Les bienfaits

Pour Chris Rock, élève de terminale et l’un des trompettistes du jazz, le fait de jouer de la musique permet de prendre confiance en soi, en ses capacités. Cela développe aussi une concurrence constructive entre musiciens qui veulent toujours se dépasser en vue d’améliorer les performances du groupe. Pour sa camarade Rose-Laurence Adrien qui joue du saxophone, cela permet de maitriser la scène et de gérer aussi son stress.
Au niveau des résultats académiques, la musique a aussi un impact positif. « Tous ceux qui pratiquent un instrument de musique voient leurs résultats académiques s’améliorer », affirme Monsieur Etienne. « Cela nous a permis aussi de récupérer des enfants, qui, au prime abord, avaient des problèmes de comportement et maintenant ont considérablement évolué », ajoute-t-il. «Cela leur donne aussi une possibilité de carrière, continue l’éducateur. En dehors des canevas habituels que sont la médecine, le droit et les sciences, pourquoi pas une carrière en musique? », questionne- t-il.

Le département musical

Le grand orchestre du Collège Catts Pressoir compte plus d’une quarantaine de musiciens qui jouent des instruments à vent et des percussions. A côté, il y a le groupe des violonistes qui sont près d’une vingtaine. Par ailleurs, des élèves pratiquent aussi le piano, la guitare et le violoncelle. Toute cette panoplie est orchestrée par un groupe de dix professeurs et la direction musicale est assurée par Sarah Colimon, une ancienne du Collège Catts Pressoir qui a participé à plusieurs reprises à la tournée du Youth Orchestra of the Americas (YOA), un orchestre symphonique de classe mondiale. Le groupe de Jazz est dirigé par Gessoit Pierre Louis et la fanfare par Oswald Chéry, celui par qui tout a commencé. Le projet de l’équipe et de Monsieur Etienne est de mettre ensemble tous les instruments afin de créer le grand orchestre philarmonique du Collège Catts Pressoir.

La relève

Bon nombre des musiciens du jazz et de la fanfare sont maintenant en classe terminale et donc vont laisser l’école d’ici juin 2019. Cependant, les professeurs et la direction de l’école ne s’inquiètent pas. Déjà, la pré-fanfare composée d’élèves entre 10 et 15 ans est prête à prendre la relève. Pour se mettre dans le bain, ils commencent eux aussi à offrir des performances lors des grandes activités de l’école.

Les conseils

Aux jeunes de leur âge qui aimeraient eux aussi faire de la musique, Chris Rock et Rose-Laurence Adrien conseillent de choisir un instrument qu’ils aiment, de travailler fort et surtout de garder sa propre identité. Pour Monsieur Etienne, la musique étant un excellent moyen de développer les aptitudes d’un enfant, il encourage donc fortement les parents à permettre aux enfants de jouer un instrument. Pour Monsieur Chéry, professeur de musique, tout le monde devrait faire de la musique, c’est le meilleur moyen de profiter de la vie. En voyant l’expression heureuse qui se peignait sur le visage des musiciens lors des répétitions, je ne demande qu’à le croire.

Vanessa Dalzon

À propos Vanessa Dalzon

Vanessa Dalzon est Rédactrice en chef à Balistrad, diplômée en Droit à l'Université Quisqueya (UniQ). Elle est l'auteure du roman « Opération-Rupture », chronique publiée dans Balistrad pendant 22 semaines. Vanessa Dalzon partage son temps en dehors du bureau entre l’écriture, la lecture, le chant et les séries télé.
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