[ OPINION ] Les meneurs du dossier PetroCaribe

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Avec le dernier rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA), certains pensent que nous sommes plus près de la sortie de l’auberge même si la route qu’il reste à parcourir est encore longue. Cependant, il nous arrive d’oublier que cette lutte a été menée par diverses personnalités d’orientations politiques différentes qui se sont, à chaque fois, passé le relais. Il convient alors de faire la lumière sur certains de ces éclaireurs. La liste n’est, en aucun cas, exhaustive. Elle permettra, néanmoins, de rappeler que le dossier PetroCaribe ne date pas uniquement de la fameuse question « Kot kòb Petwo Karibe a? »

Gilbert Mirambeau. Avec sa fameuse question postée le 14 aout 2018 sur les réseaux sociaux : « Kot kòb Petwo Karibe a? », la lutte prendra une autre dimension. Il ne s’agira plus de Moïse Jean-Charles, André Michel ou le sénateur Latortue à dénoncer mais toute une jeunesse à se voir intéressée. Une simple question reprise par des milliers de jeunes a su faire germer la fièvre du changement. Gilbert Mirambeau a joué sa partition. Cependant, il n’était pas le premier lanceur d’alerte.

Me André Michel et Me Newton St-Juste. Si leur parfait tandem s’est vu dissout par les joutes électorales de 2016, ils furent parmi les premiers à dénoncer la façon dont l’administration Martelly/Lamothe dilapidait les fonds de l’État et à demander des enquêtes sur la gestion des fonds PetroCaribe. On était en 2014. Me André semble marcher seul depuis. Il fut même chahuté par la foule lors du sit-in des Petrochallengers le 24 août 2018. Ces derniers ne voulaient pas que les politiciens s’accaparent du Petrochallenge pour en faire leur capital politique. Ils avaient juste oublié qu’il fut l’un des premiers lanceurs d’alerte.

Gaëlle Bien-Aimé. La comédienne est peut-être la personnalité la plus en vue dans le PetroCaribe challenge. Avec le sarcasme et le rire, elle a su motiver et dénoncer. Elle ne s’est pas contentée de vidéos, elle a aussi marché dans les rues. Motiver les foules n’est chose aisée. Elle a su le faire par le rire, d’autres utiliseront d’autres moyens.

Moïse Jean-Charles. On lui reprochera d’être opportuniste ou de vouloir toujours être la vedette mais sa capacité à défrayer la chronique et à mobiliser les foules a toujours su booster les mouvements souvent essoufflés. Qu’il se serve du PetroCaribe challenge pour camper son capital politique ne compte pas puisqu’il l’a aidé à avancer. Son langage accessible, ses dénonciations de dilapidation et ses propos acerbes envers le régime Tèt Kale ont su tout de même mobiliser des foules. Entre nous, sans l’interférence des politiques, le PetroCaribe challenge aurait peut-être perdu de sa superbe… D’autant plus qu’aux côtés des avocats du peuple, le sénateur du Nord a longuement dénoncé les programmes bidon du régime Tèt Kale.

Gessica Généus. Ses vidéos et sa participation dans les rassemblements ont boosté le mouvement PetroCaribe challenge. Elle insistera surtout sur la question de relais. Chacun a son rôle à jouer et ce quelque niveau que ce soit.

Youri Latortue. On le dira patatiste en raison de ses nombreuses positions. Pour avoir été le conseiller spécial de Michel Martellly et pour avoir participé au Gouvènman Lakay jusqu’à répéter qu’un stade a été construit au niveau du département de l’Artibonite, certains ne comprendront peut-être pas qu’il soit aujourd’hui parmi les plus extrémistes quant à la démission de Jovenel Moïse. D’autres répondront qu’il suffira juste de demander à Madame Manigat. Qu’on l’aime ou pas, il faudra admettre qu’il fait partie des plus grands sénateurs que la République d’Haïti ait connu ces dernières années. Si ses positions peuvent souvent avoir des couleurs politiciennes, son discours posé et réfléchi tout comme son pragmatisme politique n’est pas sans effets dans le camp Tèt Kale. Il faudra aussi noter qu’il a porté ce dossier au Sénat avant même le Petrochallenge en tant que président de la Commission Ethique et Corruption en 2016 et président du grand cops en 2017.

K-libr. Le rappeur avec son altercation avec le chanteur, Ti-Jo Zenny allait sans le savoir donner un coup de pub au dossier PetroCaribe challenge en brandissant la pancarte : « kot kòb PetroCaribe a? » Sa musique Petrospective et son interview sur RFI ne seront pas sans effets. Il faudra aussi souligner qu’il y eu pas mal de musiques à suivre depuis comme « Bare Volè » le slogan le plus repris inspiré de Bella Chiaw. On comptera aussi le groupe BC et Wendy à apporter leur soutien au mouvement sans oublier, Blaze One dont le récent opus triomphal à enflammer la toile.

Antonio Cheramy. De son nom d’artiste Don Kato, le sénateur de l’Ouest a rejoint la partie pendant qu’elle était déjà entamée. Son influence dans le jeu n’est cependant pas des moindres. Mieux, il a su maîtriser le jeu politique haïtien, celui capable de véritablement faire bouger les choses : le bruit, le chaos. Son carnaval avec le groupe Brothers Posse « Danse Petro » sera utilisé dans les marches des Petrochallengers. Qui oubliera de sitôt les séances avortées au Parlement en vue de parvenir à la ratification du premier ministre nommé et intérimaire dépassé, monsieur Lapin ? Aussi, dans le dossier PetroCaribe, a été important le sénateur de l’Ouest dans l’entre-jeu.

Liliane Pierre-Paul. Qui n’écoute pas le « Jounal katrè »? En plus d’informer, Liliane tient toujours à rappeler. Ces rappels permettent de mieux cerner le jeu malsain de nos dirigeants. Ses rappels sonnant comme des dénonciations ont petit à petit réveillé un large auditoire quasi endormi. Il faudra aussi noter les analyses de Marvel dans l’émission « Di m m a di w »

Jean Henry Céant. En tant que politicien avéré, on lui reprochera son manque de clairvoyance en acceptant le poste de ministre au prix de si grandes concessions. Cependant, il fut le héros sans paillettes et sans projecteurs ! La dénonciation ne suffit pas. Aussi en Droit, est capitale la procédure. Il a été celui qui a su mener l’Etat à porter plainte et à faire en sorte que le dossier soit traité avec la plus grande dextérité. Motivations politiques ? Peu importe ! Son manque de clairvoyance et ses ambitions politiques auront au moins tracé le sillage menant à ce second rapport de la CSCCA.

Les journalistes de Radio et Télé Zénith. Plusieurs n’apprécient pas leurs méthodes. Certains parlent d’incitation à la violence, d’autres de manque d’éthique mais ils n’en demeurent pas moins les journalistes les plus prisés en Haïti. Muraille, Morin, Osnel ect…ont peut-être des méthodes peu catholiques mais ils ont su pousser le peuple haïtien à dépasser ses limites jusqu’à véritablement secouer le Palais national. D’ailleurs,les véritables révolutions sont conduites par des méthodes peu catholiques.

Ayibopost. Ayibopost est sûrement l’un des médias en ligne les plus prisés par la jeunesse haïtienne. En donnant la parole aux Petrochallengers, il a su ramener la lutte plus près de la jeunesse haïtienne. Il a été l’un des médias les plus actifs en rendant disponibles les informations sur le PetroCaribe via des analyses et commentaires de bon nombre de spécialistes. Aussi avec « Anriyan » avec Gaëlle Bien-Aimé, la vidéo PetroCaribe pour les nuls, Ayibopost a trouvé une formule gagnante.

Le Nouvelliste. Le Nouvelliste est le média de référence en Haïti. La majorité des réflexions sur les rapports sénatoriaux et de la Cour des Comptes sont au journal Le Nouvelliste. Il y avait alors de quoi faire comprendre à cette pseudo-classe moyenne en rue de quoi il en retournait vraiment. Le quotidien sera par la suite accusé par l’ancien président Martelly de marchander sa plume.

Beaucoup ajouteront leur grain de sel. C’est ce qui fera la force du mouvement. Si les petrochallengers sont plus crédibles, les différents mouvements et personnages à se venir se greffer à eux les ont permis d’aller encore plus loin. Aussi, avant eux, il y a eu des gens à brandir le drapeau de la dénonciation comme Steven Benoît (en dépit de ses erreurs) ou un Gary Conille qui a préféré démissionner (même si on parle de la CIRH pour lui). En ce sens, la liste comme indiquée ne saurait être exhaustive. Il faudra tout simplement se rappeler comme l’a dit Liliane Pierre-Paul, la démocratie tout comme la justice sera toujours une course de relais. Chacun aura à jouer son rôle. Avant dimanche, rappelons-nous des lanceurs d’alertes, des porteurs d’étendards et même des profiteurs bruyants. Les raisons peuvent diverger mais la revendication du ras-le-bol reste la même. Après on se disputera ! Maintenant, on a besoin du bruit, de la réflexion, des porteurs d’étendards, des profiteurs et – disons-le franchement – des méthodes peu conventionnelles. Seule la correction, pour l’instant, compte…

Alain Délisca

À propos Alain Délisca

Je suis Alain Délisca, un Haïtien. Le reste n'est qu'explorations et heurs.
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