Photo : Reuters / Andres Martinez Casares

Haïti, détails de notre déclin

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 18 février 2020 à 16h31

À la vue de la foule qui bouge aux rythmes des meringues carnavalesques les unes plus entraînantes que les autres, je suis tentée de dire que le pays lock est derrière nous ; que ce n’est que de l’histoire ancienne. C’est du moins le souhait que je fais chaque soir au coucher. Chaque matin, c’est avec une certaine angoisse que j’appréhende chaque nouvelle journée.

Depuis plus d’un mois, les protestations violentes se sont espacées pour faire place à un autre phénomène. À bien y réfléchir, c’est une version plutôt révisée du pays lock. Une version plus terrifiante ! Parce que si les ressources de la masse protestante se sont épuisées, un autre groupe d’individus s’assure de créer un climat invivable. Ils nous refilent de la terreur à bas prix. Petit à petit, cette terreur se normalise. Ce n’est pas sans raison que les autres nations font référence à nous en matière de résilience. Il faut croire que la situation la plus chaotique ne peut nous priver de l’espoir d’un meilleur lendemain. Mais hélas ! Notre optimisme ne peut nous sortir de notre réalité macabre.

La réalité est que notre pays est pris en otage par des dirigeants les uns plus corrompus que les autres. Le patriotisme n’est qu’un concept vu en primaire parmi tant d’autres. Que s’est-il donc passé ? Quand cela a-t-il dérapé ? Où est donc passé le lien qui unissait les Haïtiens entre eux ? Sommes-nous vraiment devenus insensibles ? Je ne m’adresse pas seulement aux dirigeants. Oh non ! Je crois que nous sommes tous coupables. Le temps est venu de cesser de se voiler la face et de prendre conscience de notre part de responsabilité. Nous sommes tous des acteurs ayant participé au tournage de ce film d’horreur.

Père absent, ton rôle ne consistait pas seulement à procréer. Il consistait aussi à être un modèle pour ta progéniture. Au lieu de cela, tu t’es dérobé à tes obligations laissant un enfant à la charge d’une mère célibataire. Ton fils n’a pas capté le sens des mots responsabilité, intégrité. Ta fille n’a pas non plus appris à connaître sa valeur de femme. Elle t’a cherché et a répété le cycle de « pitit san papa » qui, à leur tour, paieront ton insouciance. Pourquoi sommes-nous sidérés de l’attitude de nos dirigeants à l’égard du peuple haïtien ?

Mère, je sais que tes intentions sont des plus nobles ; je sais que tu souhaites que tes enfants soient affranchis de la pauvreté. Cependant sans t’en rendre compte, tu as aussi causé du tort à notre société. T’endetter pour assurer une place à ton enfant dans l’une des plus grandes écoles est plus que louable mais sais-tu qu’il ne s’y sentira pas à sa place et fera peut-être des choix honteux pour se faire accepter ?

Il se rappellera toujours l’interdiction de jouer avec les enfants du voisin qui eux, contrairement à lui, vont au lycée. Il ne t’était jamais venu à l’idée que ton enfant pourrait mettre sur pied un groupe de travail permettant à ces enfants de profiter du programme avancé auquel il avait accès ? Tout le monde en sortirait gagnant. Au lieu de cela, tu lui répétais sans relâche : « M ap leve tèt ou w ap gad atè. Konbyen fwa pou m di w pitit vwazen an pa ran w ? M mete w nan gwo lekòl se pou w ka fè kontak pou w ka souse yon zo demen. » Sais-tu ce que ça a donné ? Ce qui suit risque de te choquer…

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