Huit faiblesses dans l’adresse à la nation du chef de l’État

Temps de lecture : 5 minutes

Dernière mise à jour : 9 juillet 2018 à 10h53

Suite aux mouvements de soulèvement populaires déclenchés par la mauvaise gestion de l’administration Moise-Lafontant qui fit la sourde oreille aux cris du peuple en ajustant jusqu’à une augmentation de 38%, 47% et 51% les prix des produits pétroliers, le Président de la république SEM Jovenel Moise, s’est adressé à la nation. 23 minutes de palabres pour, au final, ne rien dire. Par ailleurs, huit faiblesses pour le moins, ont été relevées dans le discours de son excellence. Un discours sans fondement réel…

1) Expression et Posture

Le Président s’est présenté sur les écrans de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH, 8) accompagné de la première dame pour son allocution. Étonnamment, bien serein, alors que le pays a connu les 24 dernières heures dans le chaos. Les rues barricadées de pneus enflammés et obstruées par les grosses bouffées de fumée, puis la prolifération de tirs , casses de pare-brises, pillages à travers tout le territoire n’ont pas semblé affecter le garant de la bonne marche des institutions. Du moins, son expression de visage au côté de sa femme, n’a laissé apercevoir la moindre tristesse ou le moindre répit.

De plus, quel rôle jouait la première dame à ses côtés? Personne ne le sait!

Du point de vue protocolaire, pourquoi était-elle à gauche et non pas à sa droite? Rien de nouveau! Mais la forme prédisait qu’on allait assister à rien de consistant…

2) Un discours sans objectif(s) – précis.

Quel était l’objectif principal de cette adresse à la nation? Aucun discernement possible! Comme quoi, tout était normal. Alors que l’adresse se tenait dans une occasion spéciale, donc objectifs spéciaux? Pas du tout ! Le Président s’est erré durant les 7 premières minutes de son discours à faire l’éloge de « l’anniversaire de ses 17 premiers mois au pouvoir » et n’a tenu aucun point fixe de l’actualité pour essayer de calmer les ardeurs de la population. Il a préféré se tourner vers ses promesses de campagnes et réhausser ses réalisations que seul lui est témoin. Dommage!

Au final, tout un discours et un tas de palabres sans évoquer la situation qui gangrène le statut politico-social du pays jusqu’à engendrer un soulèvement populaire. Aucune solution à court, moyen voire à long terme dans les dire de Son Excellence.

3) Écoute ou malentendu?

« Depi n pale, mwen tande paske nou voye mesaj la ban mwen depi yè swa men jodi a m pran mesaj la… Nou pale, prezidan nou tande nou. »

Dans son discours, le Président dit entendre la voix du peuple et c’est justement pour cela que son administration a choisi de retourner sur la décision de revoir à la hausse les prix des produits pétroliers. À la stupéfaction de tous, ce n’est que de cette manière que les cris de la population arrivent aux oreilles des autorités!

Depuis l’annonce de la décision, plusieurs secteurs de la population sont montés au créneau pour empêcher l’application d’une telle mesure. Mais, le gouvernement s’est dit se trouver dans un point de non retour à l’image de son ministre de la Communication, Guy Delva qui avait jugé cette application nécessaire pour le bien du peuple.

Pendant ce temps, la revendication a changé! On réclame désormais le départ du chef de l’État et la démission du premier ministre. Le président dit toutefois entendre la volonté du peuple. Alors, y a –t– il écoute ou malentendu?

4) Méconnaissance de la situation que vit véritablement le pays

« Pèp la, mwen konnen gen anpil kote kèk moun ap chache pou mennen w, se pa la w te vle ale… kote sa a nou wè gen de moun ki vle mennen w dènye 24è ki sot pase a, se pa la w vle ale »

Son Excellence, contrairement à ses dires n’est pas au courant de la véritable situation que vit actuellement le pays. Il laisse croire que la population réagit sous la conduite de certains manipulateurs qui la conduisent contre certains secteurs de la vie nationale.

Faux et archi-faux! La population a gagné les rues spontanément pour exprimer sa frustration et se soulever contre les oppressions qu’elle subit en rapport avec les nombreuses décisions prises par l’administration en place.

Le Président serait-il en train de feinter la réalité ou chercher à se déresponsabiliser des conséquences de ses actes ? Serait-ce également le moment idéal d’indexer l’opposition qui n’est en aucun cas responsable de ce chaos?

5) Ambiguïté, inversion des rôles ou mauvaise répartition des tâches ?

« La police, la jistis pral pran kontwòl pou netwaye, pwòpte lari a ».

Un autre faux pas du Président qui semble inverser les rôles en annonçant que la justice et la police vont se charger de nettoyer les rues qui ont été éclaboussées de pneus enflammés, de pierres et de tessons de bouteilles. Le président s’est-il trompé ou exprime simplement la mauvaise répartition des tâches au sein de son administration ? Quels sont les rôles de la police et de la justice dans un pays? Quelles sont alors les tâches du MTPTC, CNE et du SMCRS?

Toutefois, le chef de l’État peut être cohérent dans son allocution dans la mesure où l’ambiguïté présente dans ses dires laisse croire que nettoyer la rue peut se faire autrement s’il s’agit d’éliminer les protestataires à l’image de ce que rapportent certains disant que des policiers n’hésiteraient pas à tirer à hauteur d’homme sur les manifestants.

Que voulait bien dire son excellence ?

6) De l’irresponsabilité de l’État ?

« M p ap dirije yon leta ki iresponsab! Leta sa ap toujou la pou responsab zak li paske pèp ayisyen an se yon pèp ki gen moun k ap dirije l »

Le président a ,par ailleurs, tenu à assurer ses arrières et rassure ses partenaires en disant fermement qu’il ne dirige pas un État irresponsable. Ce qui sous-entend que ceux qui ont subi des pertes seront dédommagés par l’État. Mais de qui parle -t- il exactement ? Ce qui est certain, il ne parle pas des pauvres malheureux qui rentrent dans ce qu’on pourrait appeler des dommages collatéraux au cours des manifestations et des violences enregistrées les dernières 24 heures.

Seul point positif ici, le président semble être conscient que l’État est l’unique responsable des violences perpétrées contre les biens de ses pairs.

7) Redondance, signe de faiblesse ou vers une perte d’autorité ?*

Où est passé l’autorité conférée au garant de la bonne marche des institutions? Pourquoi un président doit-il supplier son peuple pour lui demander une faveur? Voilà le manque d’autorité que le locataire du palais national exprime dans la redondance de sa demande à la population qui, d’ailleurs, reste jusque là sans effet aucun.

A plusieurs reprises (plus de 3 fois), le président, d’une voix de supplication, demande aux protestataires de regagner leur domicile, un pléonasme dépourvu du sens d’un chef d’État.

8)Menaces ?

« Lang ak dan konn mòde men si w koupe lang, w ap bèbè, si w rache dan, w ap mazora ? »

Monsieur le Président, est-ce une menace ou un appel à la violence ? Penseriez-vous à venger vos fournisseurs qui ont été pillés ? Oublieriez- vous les opprimés et les oppressés ? D’ailleurs, qui de la population et de la «boujwazi peze souse » sont la langue et les dents ? Où est votre slogan d’unité ? Encore, serait-ce là l’appel à l’unité ? Vous gagneriez beaucoup, monsieur le Président, à être clair.

Si vous désirez vous adresser à la population, néophyte politicien, maîtrisez l’art de la communication et si vous êtes conscient, comme vous dites entendre les cris de la population, agissez mieux au lieu de parler sans dire mot.

© Filisner DIEUJUSTE

À propos Filisner Dieujuste

Filisner DIEUJUSTE, jeune étudiant en linguistique à la Faculté Linguistique Appliquée (FLA) de l’Université d'Etat d'Haiti (UEH) et en journalisme à ISNAC. Passionné de littérature, futur linguiste, aspirant juriste, psychologue et politologue haïtien comptant s'investir dans la vie éducative, intellectuelle et politique de son pays. Aspirant écrivain.
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