« Kenbe bouboun nou friz », l’impact négatif de certains “agents de marketing” sur l’esprit haïtien

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Dernière mise à jour : 12 décembre 2019 à 9h12

« Kenbe bouboun nou friz !»

Telle fut la phrase qui m’accueillit dans ce bus assurant le trajet Gérald Bataille-Portail Léogane en cette matinée. Surpris, je le fus ! En effet, cette phrase lancée comme si de rien n’était à l’encontre des femmes et qui concernait leurs parties intimes m’intrigua au plus haut point. Pourtant quel ne fut mon étonnement d’entendre des rires fusés de partout enfonçant mon esprit dans une perplexité jusque-là inégalée. Je me tournai donc pour localiser d’où provenait la phrase et c’est alors que j’aperçus un homme debout dans le bus qui scanda à nouveau comme pour bien se faire entendre:  » Medam! Kenbe bouboun nou friz! Mete bouboun nou nan klimatizè! »

Je ne cacherai point que cette fois-ci, je ne pus m’empêcher d’en rire mais discrètement, cela dit. Il s’agissait, en fait, d’un agent de marketing qui proposait une solution bleuâtre dont les propriétés miracles regroupaient entre autres la capacité de détruire les microbes vaginaux mais aussi et surtout de rafraîchir le vagin ! En tout cas, c’est ce qu’il clamait.

Voyant qu’il n’y avait pas encore de réaction concernant sa marchandise, l’agent se lança dans une multitude de blagues obscènes ayant trait au vagin, communément appelé « bouboun » dans le créole haïtien. Il disait, entre autres, que son produit rendait au vagin sa jeunesse et qu’il avait même la propriété de rendre à toutes femmes, quelles qu’elles soient, leur virginité:  » l ap fè bagay la sere », disait-il. Personne n’était dupe, bien sûr, mais pouvions-nous nous empêcher de sourire voire même de rire à ces drôleries débitées par un homme qui voulait, tout simplement, vendre sa marchandise et se faire un peu d’argent? Le bougre ne s’arrêta pas là, pourtant! Il déclara que sa femme utilisait le produit et que le « bouboun » de cette dernière avait retrouvé sa jeunesse d’antan et en lançant dans l’air le supposé numéro de téléphone de sa femme, il convia même les passagers masculins du bus à aller vérifier de par eux-mêmes que « bouboun madanm mwen byen sere ».

C’est alors que le miracle se produisit! Des demandes fusèrent de partout! L’agent, voyant son produit s’écouler beaucoup plus rapidement, esquissa un sourire et continua à débiter ses blagues douteuses pour en vendre beaucoup plus. Son marketing prit une tournure de prêche : » Nou mèt kwè m! Nou pap regrèt! Bouboun nou ap vin sere ankò! L ap retounen jèn! L ap friz kòm si ou te mete l nan frijidè! »

Néanmoins, une pensée soudaine me traversa l’esprit m’arrêtant brusquement dans mes accès de rire ! Ainsi donc, c’était sa façon d’écouler ses produits ? Dans un pays où l’ignorance s’étale, ce personnage avait le pouvoir de communiquer des informations fausses au risque que certaines personnes les prennent pour parole d’Évangile ? On s’etonnera après des stupidités qu’on peut entendre partout sur le sol haïtien! Il suffit qu’un seul y croit, qu’il le dise à un autre crédule qui le dira sûrement à un autre bougre ainsi de suite et le tour est joué !

Pourtant, il est connu que la flore vaginale et naturelle de la femme la protège contre tout risque d’infection à condition, bien sûr, qu’elle ait une bonne hygiène vaginale pour maintenir l’équilibre de cette flore. Il n’est guère vraiment besoin de produit pour les toilettes vaginales et si tant est qu’on les utilise, il faut s’en servir avec précaution et modération et par dessus tout sous une recommandation médicale.

Je vous vois venir d’ici vous demandant sûrement pourquoi ayant cette information je ne me dressai contre le personnage. J’aurais dû le faire, peut-être. Mais il s’avère que j’avais déjà vécu cette situation où j’avais constaté qu’un passager, prenant le contre-pied contre un agent, s’était fait hué par les autres. Eh ! Oui, je puis vous affirmer que les passagers avaient pris parti pour l’agent ! Étrange, n’est-ce pas ? C’est vous dire que les sornettes gratuites sont plus crédibles que le vrai savoir dans ce petit pays. Laissant donc l’agent vendre son produit à ces « bouboun » qui s’étaient fait avoir, je n’y pensai plus et m’enfonçai dans mes réfléxions.

À propos Kerlintz Morantus

Étant agé de 24 ans, j'ai à mon actif un parcours qui s'adapte parfaitement au jeune haïtien que je suis! Ayant fait mes études secondaires à Saint-Louis de Gonzague puis poursuivant mes études professionnelles à l'Université Notre Dame d'Haïti, j'ai développé un certain amour pour l'écriture, amour me venant certainement du fait de mes nombreuses lectures et des rencontres faites avec les grands auteurs de ce siècle et ceux des siècles derniers! Pourtant, je poursuis aussi l'amour que j'ai pour le dessin! En effet, je fais de la bande dessinée, ce qui est pour moi une sorte d'échappatoire qui me permet d'écrire encore et toujours.
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