Opération-Rupture : phase « Déni »

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 14 février 2019 à 14h21

Ce matin, j’ai souri. Pas pour rendre la réciprocité à quelqu’un ou pour faire bonne figure, non ! J’ai souri parce que je me suis sentie libérée d’un poids. Pour une fois, je ne me suis pas précipitée sur mon téléphone en espérant un message de toi. Je n’ai pas vérifié mon Facebook en espérant que tu commentes l’une de mes publications. Je me suis simplement levée et j’ai souri.

Depuis des mois, je crois que j’ai enfin fait le pas vers la vraie rémission. Je vérifie ma garde-robe, je prends le soin de choisir une robe aux couleurs chaudes. Plus de vêtements amples ou des tons ternes, je décide de croquer la vie à pleine dent. J’ai presqu’envie de dire. : I’m doing fine mais au fond de moi, je sens que ce n’est pas encore totalement le cas.

Ta photo est toujours accrochée à mon mur et je continue de me dire que c’est juste par habitude mais je sais que c’est faux. Je porte encore le collier que tu m’as offert , me persuadant qu’il s’allie parfaitement à la robe . Ça aussi c’était faux! Je garde encore dans mon sac le dernier livre que tu m’as offert en me persuadant que c’était pour lui donner plus de poids . Il y avait tant d’autres livres dans ma bibliothèque mais il fallait bien que je choisisse celui-là. Tant de choses encore montraient combien je m’accrochais désespérément à toi.

Cela faisait des mois pourtant! Les femmes digèrent mieux la rupture que les hommes dit-on en général, mais visiblement, ce n’était pas mon cas. Peut-être parce que dans ma vie, tu prenais trop de place. De la dernière blague entendue dans une camionnette à mon dernier projet de sauver le monde, je te racontais tout. De la fermeture éclair de ma robe qui ne fonctionnait plus à ma voiture qui me lâchait en pleine rue, tu partageais tous mes soucis et essayais toujours de trouver une solution à ma place. Peut-être était-ce la raison pour laquelle ton départ causait un si grand vide.

Tu t’étais tellement incrusté partout. Des souvenirs de toi, j’en avais partout. Tu avais laissé ta marque à tous les endroits qui me sont chers.

Je revois encore les nombreuses surprises au bureau accompagnées de fleurs ou de petit déjeuner pour éviter que je passe la journée à jeun. Je te revois à la fac après les cours venant me chercher sans m’avertir alors que ma voiture était au garage. Je repense à ces fois où je rentrais chez moi et je te retrouvais en train de jouer au foot avec mon père. Oui, tu étais partout! Voilà pourquoi la rupture était aussi difficile.

Ce matin, cependant, j’ai souri. Même si je sais que je suis encore loin de la guérison totale mais je sens que l’exeat est pour bientôt. Alors, je souris et me dirige au bureau, la musique à fond dans la voiture. A la radio, on me rappelle qu’aujourd’hui c’est la Saint-Valentin. Cela me fit sourire encore plus. Peut-on espérer un meilleur jour pour entamer une nouvelle vie? Je travaillerai ce jour-là le cœur léger. J’ai laissé mes cheveux au vent accentuant ma sensation de femme libérée. Quelqu’un sonna à ma porte m’annonçant une réunion en urgence.

En rentrant dans la salle de réunion, le premier visage que j’aperçus fut le tien. Je voulais continuer mon petit numéro qui me faisait croire que j’avais tourné la page en allant d’un pas ferme vers toi pour te saluer. Le sourire que tu avais aux lèvres me fit reculer d’un pas et je pris le temps de me revoir ce matin. La robe que je portais a toujours été l’une de tes préférées. Mes cheveux lâchés sur mes épaules avaient toujours eu sur toi un effet dévastateur, me disais-tu dans le temps. Au final, toute mon opération « guérison-rupture » n’était qu’une parfaite farce de mon cœur jouant des tours à ma raison et me rapprochait encore plus de toi en des gestes inconscients. A mon opération rupture, je revenais à la phase 0.

VD

À propos Vanessa Dalzon

Vanessa Dalzon est Rédactrice en chef à Balistrad, diplômée en Droit à l'Université Quisqueya (UniQ). Elle est l'auteure du roman « Opération-Rupture », chronique publiée dans Balistrad pendant 22 semaines. Vanessa Dalzon partage son temps en dehors du bureau entre l’écriture, la lecture, le chant et les séries télé.
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