Penser le monde comme un village : fiction ou réalité?

Temps de lecture : 4 minutes

Dernière mise à jour : 1 décembre 2018 à 11h00

Depuis l’Antiquité, le monde de la pensée diplomatique était toujours animé par un débat d’une importance particulière qui mérite encore aujourd’hui sa raison d’être. C’est le débat autour de la consolidation d’un monde unifié capable de produire une vision universelle de l’être humain. Il s’agit d’une vision objective et globale de l’État. Il sera surtout question de chasser la vision sectorielle du monde pour accoucher toute une philosophie d’un collectif mondial en faisant du monde un village.

En effet, cette conception nous fait penser au projet de Marx qui, dans sa vision du monde, faisait la promotion de toute une société sans classe, c’est-à-dire fondée sur l’égalité des conditions. Cette vision de Marx, selon beaucoup de penseurs, fait l’objet d’une utopie. Cette analogie de la pensée marxiste nous fait tout aussi croire que c’est un non-lieu de penser un monde – déjà assez diversifié par le souci de la poursuite de l’hégémonie et qui baigne dans une contradiction et une opposition sur les plans idéologique, culturel et économique – apte à refléter les plus fidèles caractéristiques d’un village (au sens affectif du terme). Beaucoup d’éléments peuvent expliquer cette utopie, mais seule une analyse d’ordre historique de certaines périodes de la diplomatie nous permettra de mieux percer ce mystère qui est celui de fomenter une pensée mondiale unique et un monde unifié autour des problématiques « prétendues » universelles.

Avant de pénétrer l’essence de la question, il va falloir faire un petit tour sur la notion même de Diplomatie. Définir ce concept fait l’objet de débat entre bon nombre de savants aux points de vue divergents. Néanmoins, nous allons nous statuer sur deux tentatives de définition de ce fameux concept pour essayer de démontrer, à partir des faits, que c’est impossible aujourd’hui de penser le monde comme un village.

La diplomatie, pour certains penseurs, fait référence à toutes les stratégies adoptées par un État dans la mise en œuvre de sa politique extérieure. Cette définition n’arrive pas à charrier la complexité du concept. Cela nous pousse à le définir plutôt comme l’ensemble des moyens et activités spécifiques qu’un État consacre au service de sa politique étrangère (comportement qu’un État adopte sur la scène internationale). Donc, si la Diplomatie est tournée autour des stratégies et des techniques utilisées par un État pour asseoir ses intérêts à l’échelle mondiale, on peut, à partir de là, commencer à comprendre qu’il est difficile de construire une vision universelle du monde.

Parler de Diplomatie nous invite à remonter à l’Antiquité grecque pour comprendre les mécanismes des grandes guerres de cette époque. Ces guerres opposaient, pour la plupart du temps, des peuples d’origine et de mœurs différentes. La force d’un État, à l’époque, était fonction de sa puissance militaire. Mais ce qui nous retient l’attention dans cette affaire est que, au lieu de créer les conditions d’augmenter les chances de la paix sur les risques de la guerre, les Grecs ont donné naissance, au contraire, au premier et plus sacré principe de la Diplomatie : l’immunité. Cela sous-entend que l’important pour les puissances d’alors n’a pas été d’éradiquer les sources de la guerre en vue de fraterniser le monde ; elles entraient au contraire dans un schéma de formalisation de la guerre. Ces avancées permettent de souligner qu’autant les États se trouvent dans une situation d’affrontement au nom de la défense de leurs économies, leurs mœurs et surtout leurs intérêts, il ne pourra jamais y avoir un monde fraternisé présentant l’aspect de l’humanisme collectif.

Le deuxième moment de la Diplomatie qui retient notre attention est l’après-première Guerre Mondiale. Nous devons tout aussi souligner que cette guerre a eu lieu entre 1914-1918. Le contexte de l’après-guerre nous a donné l’apparence d’un monde bouleversé, tourmenté, tout simplement caractérisé par la poursuite acharnée d’intérêts et l’accaparement des zones d’influences par les puissances de l’Europe et des USA. Nous ne devons pas ignorer la montée en puissance du Capitalisme à outrance, ce que Lénine appelle « Impérialisme ». C’est le souci même de piller les zones d’influences qui va justifier le remplacement de l’humanisme européen et américain par le désir de paupérisation des plus faibles États du Monde. Dans ce contexte où le monde est doté des ces caractéristiques vicieuses, peut-il vraiment y avoir lieu de penser ce village dont les impérialistes en sont eux-mêmes les porteurs ?

Le troisième et dernier moment qui mérite un focus est l’après-deuxième Guerre Mondiale. Cette guerre a eu lieu entre 1939-1945. Après ce conflit de grande envergure et de portée mondiale, on a pu constater un nouvel ordre caractérisé surtout par une apparente égalité entre les nations et l’émergence extraordinaire du Droit Humanitaire. Cette période est aussi marquée par la mise en place du système des nations unies, c’est-à-dire de l’ONU et ses institutions spécialisées. L’ONU comme Organisation Internationale Universelle a été fondée dans le but de maintenir la paix et la sécurité dans le monde ; bien plus elle a été créée sur un principe d’égalité entre les nations. Mais ce qui attire surtout notre attention c’est qu’une décennie environ après la consolidation de l’ONU, il y avait encore de l’esclavage en Afrique. Ce système n’a été totalement  aboli en Afrique que jusqu’en 1960. Donc, on peut se demander comment arrivera-t-on à faire du monde un village pendant que règne le conflit de l’idéologisme  régional ou géographique (Afrique, Amérique et Europe) ? Comment arrivera-t-on à construire un pareil monde ? Cependant quand on parle de bien-être, cette notion n’est qu’une fiction pour les peuples sous-développés.

L’histoire montre que les prétentions de voir le monde d’un seul œil sont passées à côté de la plaque. Les moments forts de la diplomatie donnent des exemples qui s’inscrivent en faux contre l’idée d’après laquelle on peut parvenir à unifier le monde et faire de lui un village. Cela nous permet de comprendre que, dans un premier temps, autant qu’il y a cette bataille pour l’hégémonie en matière d’économie mondiale, on n’arrivera jamais à un monde équilibré. Donc, un monde égalitaire ! Dans un second temps, autant que le monde se baigne dans ces caractéristiques vicieuses, il n’y aura pas lieu de penser ce village dont les impérialistes sont eux-mêmes des avant-gardistes. Dans un dernier temps, autant que règne le conflit de l’idéologisme régional ou géographique et autant que le bien-être reste simplement une fiction pour les peuples du Sud, on arrivera nullement à créer un pareil monde. En ce sens, on peut toujours se demander : quelle catégorie de pays serait bénéficiaire de la réalisation du projet de faire du monde un village?

Rysdaёl Clébert Duvelsaint

Etudiant en Diplomatie et Relations Internationales

Tel : 47639632

duvelsaint.dante@gmail.com

À propos Rysdaël Clébert Duvelsaint

Je suis Rysdaël Clébert Duvelsaint, né en août 1997. Je fais actuellement une étude en Psychologie à la Faculté d'Ethnologie (UEH) et en Relations Internationales à l'ANDC. Journaliste de formation, je fais de l'écriture un prétexte pour piper ce qui passe au plus profond de moi (passion, émotions, respect, etc.)
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