Voleur dévalisant un tap-tap

Qui se lancera le premier?

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 10 août 2018 à 0h36

Haïti est surtout ces petites scènes quotidiennes, banales à certains égards, auxquelles on n’accorde pas assez d’importance et ce pour mieux se concentrer sur les questions politiques. Ces réalités constituent les nannan des vrais problèmes du pays et tout espoir d’un renouveau devrait commencer par une compréhension du réflexe de l’haïtien face à certaines situations qu’on a tendance à banaliser.

Le fait qu’une dizaine de passagers d’un tap-tap se fasse dévaliser par un homme armé en est l’exemple le plus flagrant. En plus d’être des victimes, ces derniers seront aussi qualifiés de lâches parce qu’ils n’ont pas su se défendre contre un homme, un seul!Voleur dévalisant un tap-tap

Les braves les jugeant auront toujours tendance à oublier que ce petit fer,comme on l’appelle, a la capacité d’enlever des vies avant même qu’on ait le temps de crier! Il existe même ceux qui diront d’un ton frôlant l’arrogance qu’ils l’auraient maîtrisé s’ils avaient été là.

Cependant, on voit ces faux Capois la mort fuir comme des chats lorsqu’ils entendent un sachet d’eau éclater derrière eux. Il n’est pas là une question de lâcheté ni de passivité mais de l’instinct de survie.

Il ne s’agit pas de défendre la passivité grandissante du peuple haïtien conduisant à un individualisme dangereux pour l’avenir de la société. Il est plutôt question de chercher à comprendre ce phénomène.

Un peuple attendant en tout ses dirigeants qui , du haut de leurs privilèges ne font que se livrer à des manoeuvres peu catholiques pour se maintenir au pouvoir, expliquerait une telle dérive . Alors on applique ce que disait notre fameux président: » gadem nan je, map gadew nan je« . Et pendant ce temps, les problèmes restent entiers.

Ces passagers dans le tap-tap se regardaient assurément. Non qu’ils n’aient pas été solidaires mais ils attendaient une personne. Non l’épique Capois la mort ni un brave gwo van ti lapli mais quelqu’un ayant le courage de se jeter le premier!

Évidemment, une telle geste impliquera un certain sacrifice! Loin de demander à une personne de se sacrifier pour une cause qu’elle jugera perdue d’avance mais jeter un regard rapide sur notre histoire bâtie sur le sacrifice. Eh non! Je ne parle pas du pacte du sang lors de la cérémonie des Clérières mais de nos ancêtres pour avoir réussi l’impensable, vivre libre. Les grandes révolutions mondiales nous auront appris une chose : les indignés se transforment véritablement  en révolutionnaires lorsqu’un illuminé aura bien voulu défier la mort pour une cause estimée juste.

Les haïtiens sont toujours solidaires et braves même s’ils sont loin de penser que les balles sont de la poussière! Il leur faut juste un groupe capable de donner le ton. En ce sens, il ne s’agira pas forcément des intellectuels réactionnaires ou de politiques bouch dous mais de gens ne s’arrêtant uniquement pas à  l’indignation mais prêts à dire NON!

Alors des passagers du tap-tap, du peuple et des dirigeants, qui se lancera le premier?

Texte : Alain Délisca

Dessin : Kerlintz Morantus

À propos Alain Délisca

Je suis Alain Délisca, un Haïtien. Le reste n'est qu'explorations et heurs.
x

Check Also

La règle des trois jours, un autre cran vers l’anéantissement du peuple haïtien

Toutes nos institutions, publiques et privées se conforment progressivement à ...