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Opinions et croyances : les illusions utiles à l’esprit humain

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 28 mai 2019 à 9h03

La curiosité est une particularité propre de l’homme. On est tous conscients des efforts de la science pour appréhender les phénomènes naturels et humains pour en tirer des lois. Ce qui peut bien amener à croire qu’il existe en l’homme un besoin constant qui se manifeste comme étant un vif désir de connaissance et de compréhension des mécanismes qui influent sur son existence.

Pour les sciences, particulièrement celles qui ont pour objet d’étudier les phénomènes naturels, les démarches ont toujours porté de grands espoirs dans la mesure où, après avoir émis une hypothèse et fait des expérimentations, on aboutit généralement à une loi générale, donc une certaine maîtrise de la situation. Cependant nous devons reconnaître que les humains ne sont en mesure de façonner des outils pour maîtriser toutes les réalités. Il y en a certaines qui ne peuvent être inscrites comme pur objet scientifique, découlant du dynamisme essentiel d’existence, qui sont inconnaissables et non connaissables, mais qui pressurent notre désir de savoir et créent de l’incertitude comme : l’origine et le destin de l’humanité.

Le doute et l’incertitude n’enchantent pas notre intérieur. Ils peuvent susciter beaucoup plus d’angoisse que ce qui émane de la routine . Comment serait-il difficile de vivre sans savoir « le pourquoi» ? Aussi, pourrait-on, sans raison, affronter la vie de chaque jour avec toutes les épreuves sans espérance ? C’est ainsi que les croyances s’imposent en y apportant des affirmations.

Une croyance, nous dit Lebon (1911), est un acte de foi d’origine inconsciente qui nous force à admettre en bloc une idée, une opinion, une explication, une doctrine à laquelle la raison est étrangère. L’une des choses qui caractérise l’acte de foi est l’absence de preuves. C’est pourquoi on demande aux adeptes de « croire ». Si l’exactitude qui imprègne la croyance est vérifiée plus tard de manière structurelle, elle (croyance) cesse d’être ce qu’elle est, et devient une connaissance.

L’opinion est une idée ou un jugement momentané plus ou moins logique qui répond à des problèmes actuels. Elle pourrait être d’ordre public, si toutefois elle se trouve embrassée par des personnes du même pays, du même temps, de la même société (Tarde; 1901). Lorsqu’on méconnaît une réalité, notre esprit s’efforce de la caractériser ou d’adhérer à d’autres idées toutes faites.

« Le besoin de croire constitue un élément psychologique aussi irréductible que le plaisir ou la douleur. L’âme humaine a horreur du doute et de l’incertitude. L’homme traverse parfois des phases de scepticisme, mais n’y séjourne jamais. Il a besoin d’être guidé par un credo religieux, politique ou moral qui le domine et lui évite l’effort de penser », a écrit Lebon (1911, p. 18).

Le fait de croire, d’adopter, d’adhérer ou de fonder des idées par rapport à la réalité imprègne l’existence des êtres humains depuis les temps les plus anciens. Celui-ci a favorisé l’apparition des mythes auxquels les anciens s’attachaient fortement, les religions dont nos comportements manifestent de vifs penchants et toutes sortes d’opinions autant diverses que passagères. Les croyances et les opinions sont, en ce sens, issues de la même cause et ont le même but : combler les vides qui nous abusent.

On pourrait réprimer les opinions, encore plus les croyances et idées qu’on croit fausses et erronées, celles qui poussent à des pratiques qui semblent nous piéger dans des fossés illusoires faisant de nous, humains, des êtres stupides essayant de s’échapper à leur réalité angoissante, harassante voire déplaisante. Il convient d’accepter les idées qui poussent à vivre en pleine conscience des faits, ou du moins de les supporter mais il ne faut pas ignorer le risque que si on s’y efforce beaucoup trop, il se pourrait que l’on perde le peu de bon goût de l’existence. Aussi bornées qu’elles soient, nos croyances -même dépourvues de fondement qui laisserait à l’esprit le plus habile de quoi justifier l’appartenance- se révèlent très utiles pour l’esprit humain.

Jodelyn DEUS

Références bibliographiques
Lebon, G. (1911). Les opinions et les croyances : genèse et évolution. Paris : Ernest Flammarion.
Tarde, G. (1901). L`opinion et la foule. Paris : Les presses universitaires de France.

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